Le Québec, terre d’asile ou terre hostile?

Le Québec, terre d’asile ou terre hostile?

Jeudi soir par un temps des plus glacials, la motivation d’étudier les interleukines s’envolait peu à peu; la semaine avait été un peu moche. Jeudi soir, le vent coupait le souffle, le temps était terne, j’avais rendez-vous à 17h avec Dre Camille Gérin pour un stage d’observation à la clinique Migrants de Médecins du Monde. Oui celle-là même que j’avais rencontrée dans une rencontre du MQRP à mes débuts dans le programme médical et qui m’avait bien impressionnée. Elle est arrivée, casque de vélo sous le bras, s’excusant de son léger retard et a tout de suite enchaîné : «Appelle-moi Camille, on a le même nom, alors!» Déjà, je sentais que la soirée allait être particulièrement inspirante. Le vent ne serait peut-être plus aussi glacial à la sortie.

La clinique Migrants de Médecins du Monde, anonyme, offre des services de santé et soutien social à ceux qu’on appelle dans le jargon populaire les «sans-papiers», je les rebaptiserais plutôt les «sans-RAMQ». Ce sont des migrants avec un statut d’immigration précaire, ce ne sont pas des réfugiés politiques et non plus des demandeurs d’asile ayant accès au PFSI (Programme fédéral de santé intérimaire-on s’en reparlera de celui-là voulez-vous!). Des êtres humains comme vous et moi ayant besoin de soins de santé, mais n’y ayant pas accès. Et la clinique Médecins du monde ce sont surtout des infirmières, des travailleurs sociaux et quelques médecins bénévoles croyant à l’équité sociale et à la couverture universelle des soins de santé.

La clinique Migrants, c’est aussi des histoires d’horreur, de combats sans fin pour une égalité des chances qui n’existe pas. Des  filles de mon âge obligées de retourner dans leur pays d’origine sans suivi médical pour leur grossesse. Des préoccupations concernant le prix d’une simple consultation en dermatologie. Des médecins québécois chargeant trois fois le prix payé par la RAMQ pour des accouchements à des jeunes mères, seules.

En même temps, ces gens sont des illégaux, des oubliés, des inexistants dans le système. Combien sont-ils? Le nombre est difficile à établir-voire impossible. On les estime à peut-être 600 à 700, à Montréal, probablement plus. Ils sont clandestins, c’est compliqué. Ils n’ont pas de papiers, c’est compliqué. Les médecins ne savent pas comment les traiter parce que c’est compliqué Ils ont des droits, mais n’en ont pas l’impression. Ça rend la vie : compliquée.

Alors, j’étais là, à observer, à écouter en français, en anglais, en espagnol, ces consultations. À ressentir la méfiance du début, une peur bien ancrée. Puis, j’ai pu apprécié une certaine confiance chez les patients- il faut dire qu’elle est excellente Dre Camille Gérin. Une plus grande écoute, un plus grand partage des préoccupations.

La clinique Migrants, c’est aussi pour ça finalement, de la confiance. Pour briser le mythe que toutes les institutions québécoises, toutes les professions sont contre eux dans leur processus migratoire.  Pour leur offrir, ce que ces migrants  devraient déjà avoir, le respect de leur droit à la santé.

Jeudi la nuit est tombée, finalement, le temps n’était plus si moche. Oui, le tout me semblait toujours aussi complexe, aussi frustrant, mais j’avais un peu plus confiance; confiance qu’il existe des médecins prêts à faire les changer les choses. Des médecins qui croient encore au respect universel des droits humains. La clinique Migrants, c’est peut-être aussi, mon futur milieu de pratique.

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